19 novembre 1952 : le mythique Train Bleu percute un train de messageries à Saint-Rambert-d'Albon lors d'une tempête de neige. Michelle Auriol et son fils Paul, passagers indemnes. Récit d'une nuit dramatique qui marqua l'histoire ferroviaire française.

Saint-Rambert-d’Albon et le Train Bleu : La Nuit où la Légende Vacilla dans la Tourmente

C’était le « roi des trains », l’incarnation du luxe à la française, une légende roulante qui traversait la nuit pour relier Calais à la Côte d’Azur. Pendant plus de trois décennies, le Train Bleu franchissait Saint-Rambert-d’Albon avec la ponctualité orgueilleuse des trains de prestige, emportant dans ses wagons bleu royal têtes couronnées, artistes et fortunés voyageurs. Jusqu’à cette nuit glaciale du 19 novembre 1952, où la violence d’un blizzard historique et l’impitoyable loi du hasard scellèrent un destin tragique. Retour sur un accident ferroviaire qui marqua l’histoire locale et impliqua le sommet de l’État.

Quand le Train Bleu Incarnait la France du Voyage

Le Mythe du Calais-Méditerranée-Express

Dans les années 1950, le Train Bleu est bien davantage qu’un convoi ferroviaire : c’est un symbole de la France qui voyage, celle de l’élégance, de la modernité et du luxe accessible aux élites. Officiellement baptisé Calais-Méditerranée-Express, il doit son surnom légendaire à la couleur bleu roi de ses wagons-lits métalliques, inaugurés le 9 décembre 1922. Ce bleu profond, rehaussé de filets dorés, est le fruit d’une décision du directeur de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL), André Noblemaire, qui souhaitait rappeler l’uniforme de chasseur alpin qu’il portait durant son service militaire.

Le surnom « Train Bleu » s’impose rapidement dans le langage courant et ne devient officiel qu’en 1949 dans l’indicateur Chaix. Lancé dès 1886 sous diverses appellations (Calais-Nice-Rome Express, puis Méditerranée Express), ce train de luxe connaît son âge d’or dans l’entre-deux-guerres. Il relie Calais (correspondance avec l’Angleterre) à Vintimille (frontière italienne) via Paris, Lyon-Perrache, Marseille, Toulon, Cannes, Nice, Monaco et Menton.

À son bord, l’expérience du voyage atteint des sommets de raffinement :

  • Wagons-lits de type LX (« L » pour Luxe, « X » pour 10 compartiments) avec draps immaculés et matelas douillets
  • Voiture-restaurant renommée pour ses dîners de haute cuisine à cinq plats, servis dans une vaisselle Christofle en argent massif et une cristallerie Lalique
  • Voiture-bar Art Déco avec marqueteries de René Prou en acajou, bois de rose et ébène
  • Éclairage soigné, chauffage efficace, salle de bain privative dans certains compartiments

Le Train Bleu devient le train préféré de Sacha Guitry, Marlène Dietrich, le prince Aga Khan, Coco Chanel, et tant d’autres célébrités. Jean Cocteau lui consacre un ballet éponyme en 1924, avec des costumes signés Chanel et un décor de Picasso. Agatha Christie y situe l’intrigue d’un polar en 1928.

19 novembre 1952 : le mythique Train Bleu percute un train de messageries à Saint-Rambert-d'Albon lors d'une tempête de neige. Michelle Auriol et son fils Paul, passagers indemnes. Récit d'une nuit dramatique qui marqua l'histoire ferroviaire française.

Saint-Rambert-d’Albon : Carrefour Stratégique sur l’Axe PLM

Saint-Rambert-d’Albon occupe une position stratégique sur la prestigieuse ligne Paris-Lyon-Méditerranée (PLM). Inaugurée en 1855, la gare rambertoise est une gare de bifurcation majeure reliant :

  • L’axe Nord-Sud (Paris-Lyon-Marseille)
  • La ligne vers Grenoble et les Alpes à l’Est (ouverte en 1856)
  • La ligne vers Annonay en Ardèche à l’Ouest (ouverte en 1869)

À son apogée, la gare emploie jusqu’à 300 cheminots, un effectif colossal pour une commune de 3 000 habitants. Le Train Bleu y passe quotidiennement sans s’arrêter, « brûlant la gare » avec le dédain des rapides de prestige qui ne font halte que dans les grandes métropoles. Horaire théorique : passage vers 2h12 du matin en direction du Sud.

En 30 ans d’exploitation depuis sa remise en service post-Première Guerre mondiale (1920), le Train Bleu n’avait connu aucun accident ferroviaire majeur. Cette réputation d’infaillibilité renforce son statut de légende.

La Tempête du 19 Novembre 1952 : Un Contexte Météorologique Extrême

Le 19 novembre 1952, la vallée du Rhône est frappée par une tempête de neige historique d’une violence rare. Les conditions météorologiques sont exécrables :

  • Neige abondante tombant en rafales continues
  • Bourrasques de vent couchant les poteaux télégraphiques
  • Gel intense rendant les lignes de communication inutilisables
  • Visibilité quasi nulle compromettant la lecture des signaux ferroviaires

La circulation ferroviaire se poursuit malgré tout, mais avec des retards importants. Les trains accumulent des minutes puis des dizaines de minutes de décalage par rapport aux horaires théoriques. Dans ce chaos blanc, la coordination entre les gares devient aléatoire.

19 novembre 1952 : le mythique Train Bleu percute un train de messageries à Saint-Rambert-d'Albon lors d'une tempête de neige. Michelle Auriol et son fils Paul, passagers indemnes. Récit d'une nuit dramatique qui marqua l'histoire ferroviaire française.

En Résumé

Le 19 novembre 1952 à 2h30 du matin, le mythique Train Bleu (rapide P3), composé de wagons-lits de luxe, percute un train de messageries n°4424 en gare de Saint-Rambert-d’Albon. L’accident, causé par une visibilité nulle due à une violente tempête de neige qui paralysait la vallée du Rhône, fait un mort (le contrôleur Roger Goré, 49 ans) et sept blessés, dont trois grièvement. Parmi les passagers indemnes se trouvaient Michelle Auriol, épouse du président de la République Vincent Auriol, et leur fils Paul. Malgré l’ampleur du choc et les dégâts matériels considérables (locomotive couchée, fourgon à bagages projeté en l’air), la mobilisation exemplaire des secours locaux et la logistique remarquable de la SNCF permirent de rétablir la circulation dès 8h24 le matin même.

Le Récit d’une Nuit de Tempête

1. Le Choc des Géants sous le Blizzard : 2h30 du Matin

Mercredi 19 novembre 1952, 2 heures du matin. En gare de Saint-Rambert-d’Albon, le sous-chef de gare M. Champavier assure le service de nuit dans des conditions météorologiques éprouvantes. Le train de messageries n°4424 (convoi transportant des colis et marchandises urgentes) en direction de Lyon se trouve en gare et doit effectuer une manœuvre pour libérer la voie montante n°2, nécessaire au passage d’un autre train rapide montant vers Lyon.

La manœuvre consiste à déplacer le convoi n°4424 sur la voie 1 bis, immédiatement parallèle à la voie descendante n°1. Cette opération impose au train de messageries de traverser la voie n°1, celle-là même qu’emprunte le Train Bleu pour descendre vers le Sud.

2h30 précises. Le train de messageries est presque entièrement positionné sur la voie 1 bis lorsque surgit de l’obscurité neigeuse le Train Bleu (rapide P3). Parti de Paris à 20h00, il devait passer à Lyon à 1h11, repartir à 1h20 et atteindre Valence à 2h41. Mais le convoi a accumulé un retard important dû aux conditions climatiques. Marchait-il à pleine vitesse ou avait-il ralenti ? Les témoignages évoquent une réduction de vitesse probable, mais insuffisante face à la visibilité catastrophique.

Le choc est inévitable. Les deux locomotives s’affrontent dans un fracas d’acier et de vapeur. La violence de l’impact est considérable :

  • La locomotive du Train Bleu se couche sur le flanc
  • Le fourgon à bagages est littéralement projeté en l’air avant de retomber en s’écrasant sur la voiture n°1
  • Les wagons du train de messageries déraillent et sont projetés en travers des voies
  • La vapeur de chauffage jaillit de toutes parts, brûlant les victimes coincées dans les tôles froissées

Charles Liénard, envoyé spécial du Dauphiné Libéré, écrira dans son édition du jeudi 20 novembre : « On aurait pu redouter une catastrophe d’une extrême gravité ». Le miracle tient à la construction métallique des wagons qui, bien qu’ils supportent le choc avec une résistance maximale, ont permis d’éviter un bilan encore plus lourd.

19 novembre 1952 : le mythique Train Bleu percute un train de messageries à Saint-Rambert-d'Albon lors d'une tempête de neige. Michelle Auriol et son fils Paul, passagers indemnes. Récit d'une nuit dramatique qui marqua l'histoire ferroviaire française.

2. Le Bilan Humain : Entre Tragédie et Miracle

Une Victime, Trois Blessés Graves

Roger Goré, contrôleur des wagons-lits de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, âgé de 49 ans, marié et père de trois enfants, domicilié à Calais, est retiré sans vie de la première cabine de la voiture n°1, entièrement écrasée par la chute du fourgon à bagages. Il porte une blessure mortelle à la tête et est brûlé sur tout le corps par la vapeur de chauffage qui s’échappait des canalisations rompues. Il est la seule victime mortelle de cet accident.

Trois blessés graves sont extraits de la locomotive du Train Bleu :

  • M. Martin Giraud, mécanicien, 44 ans, domicilié 73 avenue des Chartreux à Marseille : gravement brûlé sur tout le corps
  • M. Koxon, chauffeur, 42 ans, demeurant à Saint-Joseph près de Marseille : très grièvement brûlé sur tout le corps par la vapeur et blessé gravement à la main droite
  • Quatre autres agents ferroviaires : blessés moins gravement

Les brûlures par vapeur sont particulièrement redoutables : la vapeur à haute température pénètre les voies respiratoires et provoque des lésions profondes des tissus.

Michelle Auriol et Paul Auriol : Passagers Indemnes de la Voiture n°4

L’information est traitée avec discrétion immédiate par les autorités : Michelle Auriol, épouse du président de la République Vincent Auriol, et leur fils Paul Auriol se trouvent à bord du Train Bleu, dans la voiture n°4. Ils sortent totalement indemnes de l’accident.

Paul Auriol, organisateur du maquis du Tarn durant la Résistance et cadre à Électricité de France, fait preuve de sang-froid. Il se précipite sur le ballast (lit de pierres des voies ferrées) à la recherche d’un téléphone pour donner l’alerte. Mais la tempête a fait son œuvre : tous les poteaux télégraphiques sont à terre, arrachés par le poids du givre et la violence du vent. Saint-Rambert-d’Albon est totalement isolé du reste du monde.

Michelle Auriol (née Michelle Aucouturier en 1896), fille d’un ancien ouvrier verrier ami de Jean Jaurès, était connue pour sa simplicité et son engagement. Première dame de France depuis janvier 1947, elle avait restauré la tradition de l’arbre de Noël à l’Élysée et se montrait une maîtresse de maison distinguée. Le couple présidentiel, amateur de peinture moderne (Rouault, Braque, Dufy) et de musique classique, voyageait régulièrement en train pour se rendre sur la Côte d’Azur.

3. L’Héroïsme des Secours Rambertois : Mobilisation Exemplaire

Dès que la sirène d’alarme retentit dans la nuit glacée, Saint-Rambert-d’Albon se mobilise avec une efficacité remarquable. Malgré l’heure tardive (2h30 du matin), malgré la tempête de neige, les secours convergent vers la gare :

Les sapeurs-pompiers : Équipés de leurs lourds manteaux et de leurs lanternes, ils bravent le blizzard pour atteindre les épaves enchevêtrées.

Les gendarmes : La Compagnie de Gendarmerie de la Drôme, commandée par le Commandant Ferrier, et la section de Romans, dirigée par le Capitaine Borel, assurent le périmètre de sécurité et l’évacuation des passagers valides.

Les agents SNCF : Cheminots de la gare de Saint-Rambert, renforcés par des équipes venues de Lyon et Valence, organisent le désencarcération des victimes coincées dans les ferrailles.

Le corps médical : Médecins et infirmières de Saint-Rambert et des communes voisines prodiguent les premiers soins sur place avant l’évacuation vers les hôpitaux.

Rapidité exemplaire : Moins d’une heure et demie après le choc (soit vers 4h00 du matin), les blessés sont déjà transportés à la Clinique Trenel de Sainte-Colombe-lès-Vienne, située à une vingtaine de kilomètres. Dans des conditions routières épouvantables (neige, verglas, routes de montagne), cet exploit logistique témoigne du professionnalisme des secours.

Solidarité : Le service des Wagons-Lits, malgré le chaos, organise une distribution de boissons chaudes (café, thé, chocolat) pour les sauveteurs épuisés qui travaillent dans le froid glacial de cette nuit de novembre.

Le maire de Saint-Rambert-d’Albon, M. Berthon, et son adjoint M. Clémencon, sont parmi les premiers sur les lieux de l’accident, apportant réconfort et coordination. La dépouille de Roger Goré est déposée avec respect à la Mairie en attendant l’enquête.

4. La Réaction de l’État : Une Mobilisation au Plus Haut Niveau

L’accident du Train Bleu, impliquant la famille présidentielle, déclenche une réaction immédiate des autorités :

M. Burgalat, chef de Cabinet du Préfet de la Drôme, arrive rapidement à Saint-Rambert-d’Albon malgré les conditions routières. Il s’incline devant la dépouille de Roger Goré et constate la célérité des secours. Il prend également contact avec Paul Auriol pour s’assurer que la famille présidentielle ne souffre d’aucune blessure.

M. Perreau-Pradier, Préfet de la Drôme, se rend personnellement sur les lieux dans la matinée. Il est reçu par les représentants de la SNCF, le maire Berthon et l’adjoint Clémencon. Les photographies d’époque le montrent examinant les dégâts avec les enquêteurs et les personnalités ferroviaires.

Le Directeur de la Région Méditerranée de la SNCF supervise sur place les opérations de dégagement et de remise en état des voies.

5. Une Logistique de Fer : Le Rétablissement Express de la Circulation

La démonstration de force de la SNCF est impressionnante. Dès l’aube, les moyens techniques convergent vers Saint-Rambert-d’Albon :

Trois grues de levage géantes arrivent de :

  • Lyon (la plus proche)
  • Avignon (au Sud)
  • Portes (dans le département voisin)

Ces engins colossaux, transportés par rail et par route, permettent de soulever la locomotive couchée et les wagons enchevêtrés. Les équipes travaillent sans relâche sous les projecteurs, dans le froid et la neige qui continue de tomber.

À 8h24 précises, soit moins de 6 heures après l’accident, une nouvelle locomotive est attelée au Train Bleu. Le convoi, amputé de ses éléments endommagés mais toujours composé de ses wagons-lits intacts, reprend sa route vers le Sud, emportant ses passagers encore sous le choc mais déterminés à poursuivre leur voyage vers la Côte d’Azur.

Vers midi, les trains passent sur la ligne de la rive gauche avec seulement un ralentissement à Saint-Rambert. La circulation est rétablie dans des délais records, témoignant de l’efficacité de l’organisation ferroviaire française de l’époque.

Une Nuit Gravée dans l’Histoire Locale

L’Enquête et ses Conclusions

L’enquête technique menée par la SNCF et les autorités ferroviaires établira que l’accident résulte d’une conjonction de facteurs :

  1. Conditions météorologiques exceptionnelles : La tempête de neige a rendu les signaux ferroviaires illisibles et coupé toutes les communications téléphoniques entre gares.
  2. Retard du Train Bleu : L’accumulation de retard due aux intempéries a décalé le passage du rapide, créant un télescopage avec la manœuvre du train de messageries.
  3. Visibilité nulle : Le conducteur du Train Bleu n’a pu apercevoir le train de messageries en manœuvre que trop tard pour freiner efficacement.

Aucune faute individuelle ne sera retenue contre les agents de conduite ou le personnel de la gare. L’accident est classé comme cas de force majeure lié aux conditions climatiques exceptionnelles.

Le Souvenir dans la Mémoire Collective Rambertoise

L’accident du 19 novembre 1952 marque profondément la communauté rambertoise. Plusieurs générations garderont le souvenir de cette nuit dramatique :

  • Les témoins directs : cheminots, pompiers, soignants qui ont vécu l’événement
  • Les familles des victimes et des blessés : particulièrement celle de Roger Goré
  • La population locale : qui s’est mobilisée pour aider les secours

Les archives municipales et les collections du Dauphiné Libéré conservent de nombreux documents : photographies spectaculaires des épaves, témoignages, rapports d’enquête. Ces sources constituent un patrimoine mémoriel précieux.

19 novembre 1952 : le mythique Train Bleu percute un train de messageries à Saint-Rambert-d'Albon lors d'une tempête de neige. Michelle Auriol et son fils Paul, passagers indemnes. Récit d'une nuit dramatique qui marqua l'histoire ferroviaire française.

FAQ : Tout Savoir sur l’Accident du Train Bleu

Pourquoi le train s’appelait-il le « Train Bleu » ?

Lancé en 1886 sous le nom de Calais-Méditerranée-Express, ce train de luxe reçoit en 1922 de nouveaux wagons-lits métalliques peints en bleu roi avec des filets dorés. Cette couleur distinctive, choisie par André Noblemaire (directeur de la CIWL) en référence à l’uniforme de chasseur alpin qu’il portait durant son service militaire, vaut immédiatement au train son surnom de « Train Bleu ». Ce nom ne devient officiel qu’en 1949 dans les horaires Chaix.

Qui était la victime, Roger Goré ?

Roger Goré était un contrôleur des wagons-lits employé par la prestigieuse Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL). Âgé de 49 ans, marié et père de trois enfants, il habitait Calais, terminus nord du Train Bleu. C’était un professionnel expérimenté, au service de la CIWL depuis de nombreuses années. Il assurait cette nuit-là sa mission habituelle : veiller au confort des voyageurs, contrôler les billets, coordonner le service à bord. Il est la seule victime mortelle de cet accident. Son décès résulte de la combinaison d’une blessure mortelle à la tête et de brûlures généralisées causées par la vapeur de chauffage.

Quel rôle a joué la météo dans l’accident ?

La tempête de neige du 19 novembre 1952 a joué un rôle déterminant dans la survenue de l’accident :

  1. Visibilité quasi nulle : Les rafales de neige rendaient impossible la lecture des signaux ferroviaires à distance normale.
  2. Rupture des communications : Le gel et le vent ont couché les poteaux télégraphiques, coupant toute liaison téléphonique entre Saint-Rambert-d’Albon et les gares voisines.
  3. Accumulation de retards : Les conditions climatiques ont perturbé l’ensemble du trafic ferroviaire, créant des décalages d’horaires qui ont conduit à la présence simultanée du Train Bleu et du train de messageries sur la même section.
  4. Isolement de la commune : Après l’accident, Paul Auriol tenta en vain de trouver un téléphone pour alerter les secours. Saint-Rambert était totalement isolé.

La tempête fut qualifiée d' »historique » par les chroniqueurs de l’époque, tant par son intensité que par ses conséquences sur la vallée du Rhône.

Comment Michelle et Paul Auriol ont-ils réagi après l’accident ?

Michelle Auriol, Première dame de France, et son fils Paul Auriol (organisateur du maquis du Tarn pendant la Résistance) ont fait preuve d’un calme et d’une dignité remarquables. Sortis indemnes de leur compartiment dans la voiture n°4, ils ne cherchèrent ni passe-droit ni traitement spécial.

Paul Auriol, homme d’action, tenta immédiatement de se rendre utile en cherchant un téléphone sur le ballast pour alerter les secours. Face à l’impossibilité de communiquer (lignes coupées), il attendit l’arrivée des autorités locales.

M. Burgalat, chef de Cabinet du Préfet, prit rapidement contact avec Paul Auriol pour s’assurer que la famille présidentielle n’avait besoin de rien. Mais les Auriol, fidèles à leur réputation de simplicité, se mêlèrent aux autres passagers en attendant que le train puisse reprendre sa route.

Aucune communication officielle ne fut faite par l’Élysée sur la présence de la famille présidentielle à bord. La discrétion fut totale, conformément au caractère privé de ce déplacement.

Combien de temps a-t-il fallu pour rétablir la circulation ferroviaire ?

La rapidité du rétablissement est l’un des aspects les plus remarquables de cette catastrophe :

  • 8h24 (soit 5h54 après l’accident) : Le Train Bleu, remis en état et attelé à une nouvelle locomotive, reprend sa route vers le Sud
  • Vers midi (soit 9h30 après l’accident) : Les trains passent sur la ligne de la rive gauche avec seulement un ralentissement à Saint-Rambert

Cette performance exceptionnelle résulte de la mobilisation immédiate de moyens considérables : trois grues de levage, des dizaines de cheminots, le directeur régional de la SNCF sur place, et une coordination sans faille entre toutes les équipes.

Le Train Bleu a-t-il connu d’autres accidents majeurs ?

L’accident de Saint-Rambert-d’Albon est le seul accident mortel majeur répertorié pour le Train Bleu dans toute son histoire d’exploitation depuis 1920. En 30 ans de circulation, de 1920 à 1952, le convoi n’avait connu aucun accident ferroviaire. Cette réputation d’infaillibilité contribuait à sa légende.

Après 1952, le Train Bleu poursuivit son exploitation jusqu’en 2007, année de son dernier voyage. Durant ces 55 années supplémentaires, aucun accident grave ne fut à déplorer. Le déclin du Train Bleu fut progressif, lié à la concurrence du TGV et à l’évolution des habitudes de voyage, non à des problèmes de sécurité.

Peut-on encore voir des traces de cet événement à Saint-Rambert-d’Albon ?

Plusieurs éléments patrimoniaux témoignent de cet événement :

  • La gare ferroviaire : Le bâtiment, reconstruit en 1956 après avoir été incendié en 1944, est toujours en activité. C’est sur ses voies que se produisit l’accident.
  • Les archives municipales : La mairie conserve des documents relatifs à l’accident, notamment les procès-verbaux de l’époque.
  • Les archives du Dauphiné Libéré : Le journal a publié un reportage complet avec photographies le 20 novembre 1952, consultable dans ses archives.
  • La mémoire orale : Plusieurs familles rambertoises conservent le souvenir transmis par leurs aïeux (pompiers, cheminots, témoins).
  • Collections privées : Des photographies d’époque circulent dans les familles locales et parmi les passionnés d’histoire ferroviaire.

Une exposition permanente ou une plaque commémorative pourraient être envisagées pour valoriser ce pan d’histoire locale, rendant hommage aux victimes et aux secours qui se mobilisèrent cette nuit-là.

19 novembre 1952 : le mythique Train Bleu percute un train de messageries à Saint-Rambert-d'Albon lors d'une tempête de neige. Michelle Auriol et son fils Paul, passagers indemnes. Récit d'une nuit dramatique qui marqua l'histoire ferroviaire française.

Glossaire Technique et Historique

PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) : Prestigieuse compagnie privée de chemin de fer (1857-1938), symbole de l’excellence ferroviaire française. Nationalisée en 1938 et intégrée à la SNCF, elle exploitait la ligne principale Paris-Marseille sur laquelle circulait le Train Bleu.

CIWL (Compagnie Internationale des Wagons-Lits) : Société fondée en 1876 par le Belge Georges Nagelmackers, spécialisée dans l’exploitation de trains de luxe (Orient-Express, Train Bleu). Elle employait les contrôleurs comme Roger Goré.

Wagons-lits : Voitures ferroviaires équipées de compartiments avec lits repliables, permettant aux voyageurs de dormir pendant les trajets nocturnes. Les wagons du Train Bleu offraient le summum du confort : draps de lin, éclairage individuel, chauffage, parfois salle de bain privative.

Train de messageries : Convoi ferroviaire transportant des colis, des marchandises urgentes et du courrier prioritaire. Ces trains circulaient la nuit pour assurer des livraisons rapides entre grandes villes.

Ballast : Lit de pierres (généralement du granit concassé) sur lequel reposent les traverses des voies ferrées. Il assure le drainage de l’eau et la stabilité de la voie.

Rapide P3 : Désignation technique du Train Bleu dans la nomenclature SNCF. Le « P » indiquait un train rapide de prestige, le « 3 » son numéro d’identification dans la série des rapides Sud.

Gare de bifurcation : Gare ferroviaire où se séparent plusieurs lignes. Saint-Rambert-d’Albon était un point de bifurcation triple (ligne PLM Nord-Sud, ligne de Grenoble, ligne d’Annonay), lui conférant une importance stratégique majeure.

Voie montante / Voie descendante : Dans le jargon ferroviaire français, les voies « montantes » se dirigent vers Paris, les voies « descendantes » s’en éloignent. À Saint-Rambert, la voie n°1 (descendante) menait vers le Sud, la voie n°2 (montante) vers Lyon et Paris.

Manœuvre : Opération consistant à déplacer des wagons ou une locomotive d’une voie à une autre pour libérer un passage, former un nouveau convoi, ou garer un train.

Tempête de neige / Blizzard : Phénomène météorologique caractérisé par des chutes de neige abondantes accompagnées de vents violents, réduisant drastiquement la visibilité. La tempête du 19 novembre 1952 fut qualifiée d' »historique » dans la vallée du Rhône.

Vapeur de chauffage : Système de chauffage des voitures ferroviaires utilisant de la vapeur d’eau sous pression circulant dans des canalisations. En cas d’accident, la rupture de ces canalisations provoque des brûlures graves, comme ce fut le cas pour Roger Goré et les mécaniciens.

Liens Utiles pour Approfondir

Sources Historiques et Archives

Histoire du Train Bleu

  • Train Bleu (Wikipédia) : Histoire complète du Calais-Méditerranée-Express : https://fr.wikipedia.org/wiki/Train_bleu_(train)
  • Cité du Train – Mulhouse : Musée du patrimoine ferroviaire français, collection sur les trains de prestige
  • Midnight Trains : Projet de relance des trains de nuit de luxe en Europe, héritier spirituel du Train Bleu

Présidence Vincent Auriol

  • Élysée – Vincent Auriol : Biographie officielle du premier président de la IVe République : https://www.elysee.fr/vincent-auriol
  • Archives Nationales : Fonds Vincent Auriol (552AP) contenant notamment le Journal du Septennat

Patrimoine Local

Conclusion

L’accident du 19 novembre 1952 reste une page sombre mais héroïque de l’histoire de Saint-Rambert-d’Albon. Il rappelle que même les légendes les plus solides, comme celle du Train Bleu, demeurent soumises aux lois implacables de la nature et de l’imprévu. Cette nuit-là, entre neige et acier, entre chaos et organisation, le bourg drômois a montré son visage le plus noble : celui de la solidarité, de l’efficacité et du courage face au drame.

Roger Goré, simple agent des Wagons-Lits victime du devoir, mérite d’être honoré. Les trois blessés graves, sauvés par la réactivité des secours, purent poursuivre leur existence. La famille présidentielle, sortie indemne, ne transforma jamais cet événement en récit politique. Et le Train Bleu, remis en marche dès l’aube, poursuivit sa course légendaire vers la Côte d’Azur pendant encore 55 ans.

Au-delà du fait divers, c’est une leçon d’humanité et de professionnalisme que nous livre cette nuit de novembre 1952, où Saint-Rambert-d’Albon inscrivit son nom dans la grande histoire du rail français.


Avez-vous des souvenirs transmis par vos aînés sur cette nuit du 19 novembre 1952 ? Votre famille comptait-elle parmi les pompiers, cheminots, soignants ou témoins de cet accident ? N’hésitez pas à enrichir notre mémoire collective en partageant vos témoignages en commentaire.


Article rédigé pour saintrambertdalbon.com – Décembre 2025
Sources : Archives du Dauphiné Libéré (20 novembre 1952), Archives historiques rambertoises, Historail, Archives nationales (Fonds Vincent Auriol), Mémoire de la Drôme.


En savoir plus sur Saint-Rambert-d'Albon

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire